© J. Vial, 2003 |
De l’autre côté
d’un cliché
Devant les
photographies de Josette Vial, nous nous sentons mis à l’épreuve. Nul
pittoresque dans ces clichés noir et blanc, à la lumière crue, sans
effets hormis le brut revendiqué. Rien à quoi se raccrocher dans ces vues de
paysages anodins jusqu’au vertige. Pourtant, force attractive de l’art, nous
sommes peu à peu troublés par la présence nue de terrains vagues aux tas de
tuiles abandonnées, de chemins solitaires à la terre boueuse de temps, de vieux
escaliers aux marches usées d’accueil ou d’immeubles aux vitres miroitant le
ciel vide. D’autant plus troublés que ces lieux semblent confusément nous
dévoiler à nous-mêmes. Errant malgré nous au fil indéchiffré de signes
tangibles étrangement familiers. Tel un miroir organique où l’on cheminerait
sur nos propres traces en silence. Tout se passe comme si Josette Vial, avec
une grande maîtrise focale, laissait son ombre guider seule l’objectif vers ce
qui s’offre à la lumière. Archéologue du vivant cherchant les indices révélant
l’intime du réel jusque dans ses recoins les plus obscurs. Estompé tout reflet
d’illusion. Car au-delà de ce que fixe la pellicule, l’essentiel semble bien
être pour elle la quête d’une grammaire même de la pure vision. Dans ces vues
peut-être mieux qu’ailleurs se perçoit le besoin jusqu’à l’ironie de témoigner
sans volonté de plaire ou de choquer. L’artiste ne se contentant pas d’ébaucher
un portrait d’univers mais fouillant l’ombre de la matière jusqu’à y fondre la
sienne et faire résonner en nous, scintillante, la symphonie secrète des signes
exhalant les mystères d’être au monde. Cet intraduisible alphabet du temps
étoilant les yeux qui le traquent, l’épellent et le perdent juste là, sur la
rive du crépuscule, comme avant tout regard, de l’autre côté d’un cliché.
Stéphane Juranics,
octobre 2003.